• Dans les années soixante, les foules se pressaient pour écouter Cziffra jouer la 6ème Rhapsodie. Le passage le plus marquant de cette page était en effet la friska finale avec ces octaves que Cziffra bravait comme un héro. Mais cette partition révèle bien d'autres moments, notamment le lassan médian ou l'âme du poète Cziffra révéle sa vraie nature inquiète, nostalgique et terriblement humaine. Par la suite, il abandonna cette œuvre au profit de la Deuxième Rhapsodie qui déchainait également l'enthousiasme. A écouter de près, pas une de ces interprétations ne se ressemble mais montre la véritable facette instinctive et complètement ethnique de l'art de Cziffra. De même qu'aucun tzigane ne joue exactement de la même manière un morceau, Cziffra réimprovisait, au gré de son humeur, de ses souvenirs, de son état du moment cette musique, succession de thèmes, juste notés sur le papier par Liszt pour ne  pas les oublier et qui demandent justement cette fantaisie vitale que seul Cziffra savait lui insuffler. A écouter de près, pas une de ces versions ne se ressemble, pas un tempo n’est le même, mais l’impression générale est toujours celle d’un défit musical et pianistique réussis de manière enthousiasmante. Dans les versions Paris et Strasboug 1960, Cziffra improvise la reprise du second passage, presto, il l’abandonnera par la suite. C’est dans le lassan qu’il laissera le plus souvent libre cours à son imagination par une suite de cadences, de fioritures et d’agrément dont seul le cymbalum paternel peut en être le souvenir. Dans chaque version, Cziffra raconte, de manière différente l’histoire de ce peuple errant, farouche et résistant,  surdoué musicalement mais aussi sa propre histoire, celle d’un homme brisé par un régime politique mais dont le talent et surtout le travail acharné lui permirent d’accéder au sommet absolu de l’interprétation pianistique dans la seconde partie du XXème siècle.